AVOCATS/MAGISTRATS DUO/DUEL

AVOCATS/MAGISTRATS DUO/DUEL
Colloque
26 mai 2018
Maison des Associations Internationales (40, Rue de Washington, Bruxelles)

CONCLUSIONS

Dans son rapport présenté au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en juin 2017, le Rapporteur Spécial sur l’Indépendance des Juges et des Avocats a constaté, notamment, que :

L’état de droit ne peut être protégé que s’il existe un système effectif de séparation des pouvoirs qui garantisse l’indépendance de l’institution judiciaire ;

Les ingérences, les pressions et les menaces risquent fortement de compromettre l’indépendance des juges et de rendre ceux-ci particulièrement vulnérables face à la corruption ;
Les ordres des avocats, qui ont un rôle vital à jouer dans la protection des normes et de la déontologie de la profession, doivent assumer leurs responsabilités à cet égard et adhérer aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et aux Principes de base relatifs au rôle du barreau ;

Il incombe aux États de veiller à la sécurité et à la protection physique de tous les professionnels du droit, afin de garantir l’indépendance de l’institution judiciaire ;
Les médias ne peuvent travailler de manière impartiale que sous certaines conditions. C’est à l’État qu’il incombe de faire en sorte que ces conditions soient réunies en garantissant la liberté d’expression et la liberté de la presse. Par ailleurs, les médias doivent être conscients de leurs responsabilités et veiller à diffuser des informations exactes de manière professionnelle et rigoureuse, dans le respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Partageant ensemble de longue date ces préoccupations, pour la première fois, AED et MEDEL ont organisé un colloque pour débattre ensemble la contribution des avocats et des magistrats à la réalisation d’une justice indépendante, et sont arrivés à ces

CONCLUSIONS COMMUNES :

 

I. L’indépendance de la justice

1. Les menaces contre l’indépendance de la justice et l’État de Droit se multiplient dramatiquement partout et sont actuellement un problème global ;

2. Les autorités Turques ont démantelé l’État de Droit – aujourd’hui la protection des libertés et droits fondamentaux des citoyens turcs n’est plus garantie ;

3. L’emprisonnement et la révocation arbitraire de magistrats et avocats en Turquie sont inacceptables ; il en est de même de l’absence totale de procès justes et équitables, devant des tribunaux indépendants ;

4. Les menaces contre l’indépendance du Pouvoir Judiciaire se manifestent au sein même de l’Union Européenne ; ainsi en Pologne, l’action agressive du gouvernement pour assurer sa mainmise sur le système judiciaire est totalement inacceptable ; elle met en danger tout l’espace européen de justice ;

5. Une justice sans moyens ne pouvant être réellement indépendante, AED et MEDEL demandent que les justices européennes soient dotées de moyens leur permettant de rendre effectif, pour tous, le droit à un procès équitable et que soit consacré à l’aide légale un financement significatif ;

II. Magistrats / Avocats

6. Aucun système judiciaire ne peut être vraiment indépendant sans avocats libres ni sans juges et procureurs indépendants ;

7. L’indépendance du Pouvoir Judiciaire n’est pas un privilège des avocats et des magistrats – c’est un droit fondamental pour les citoyens ;

8. Les différences entre les fonctions et les positions institutionnels des avocats et des magistrats ne doivent pas empêcher le dialogue et la collaboration pour l’amélioration du système judiciaire ;

9. Avocats et magistrats ont le devoir de collaborer pour garantir à tous l’existence d’un système de justice indépendant, efficace et socialement juste, seul apte, en respectant un procès équitable, à assurer la protection effective des droits fondamentaux ;

III. Autorégulation et responsabilité

10. Les Conseils Supérieurs de justice, dont la majorité des membres doit être composé de magistrats librement élus par leurs pairs, sont essentiels pour garantir l’indépendance du Pouvoir Judiciaire ;

11. Les cours supérieures et constitutionnelles, dans la mesure où elles analysent des cas qui peuvent être politiquement sensibles, doivent avoir des garanties supplémentaires de non-ingérence des autres pouvoirs de l’État, soit dans la nomination de ses membres, soit dans son processus de délibération et d’exécution de ses décisions ;

12. Le processus de sélection, de formation et de carrière des magistrats doit être clairement établie dans la loi et des garanties effectives de non ingérence des autres Pouvoirs de l’État doivent être mises en place ;

13. Les sanctions disciplinaires des magistrats doivent être clairement prévues par la loi et les procédures disciplinaires doivent être conduites devant des conseils supérieurs, et être équitables, contradictoires et sans aucune possibilité d’interférence des autres pouvoirs de l’État ;

14. AED et MEDEL demandent que le débat soit ouvert afin que le rôle de l’avocat et le Droit de la Défense soit inscrit dans toutes les constitutions ;

15. La profession d’avocat doit être prévue dans la loi comme élément fondamental du système judiciaire, et des garanties doivent être établies pour assurer la totale liberté d’expression et d’action des avocats dans l’intérêt des citoyens ;

16. La profession d’avocat doit être autorégulée, sans possibilité d’aucune restriction ou interférence de la part des autorités publiques – un avocat ne doit être puni que pour des fautes déontologiques établies par la loi et vérifiées par des organes composés d’avocats et avec un procès équitable et contradictoire ;

17. AED et MEDEL demandent que voit le jour la convention européenne sur la profession d’avocat proposée par la PACE en souhaitant qu’une convention à l’identique sur la profession de magistrats/juges soit également élaborée ;

18. AED et MEDEL demandent que le dispositif de mise en place d’une plateforme de protection des défenseurs des droits de l’homme, proposé par la PACE, englobe les magistrats/les juges et que soit réalisée la proposition de révision de la mission du Commissaire aux droits de l’homme, de telle façon qu’il soit habilité à traiter les cas individuels de persécution de défenseurs des droits de l’homme, dont les avocats et les magistrats, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe ;

IV. Communication et rapport à l’Opinion Publique

19. Fondé sur la protection des droits fondamentaux des citoyens, le système judiciaire a le devoir d’être en capacité de communiquer avec le public et de produire des décisions claires à l’issue de procédures simples, transparentes et compréhensibles pour le citoyen ;

20. Magistrats et avocats sont les principaux responsables de la clarté de la communication avec le public et ont le devoir de travailler en ce sens ;

21. La liberté des media et de la presse est aussi un droit fondamental dans une société libre et démocratique et des médias libres sont essentielles pour favoriser la communication entre la justice et les citoyens ;

22. Avocats et magistrats ont le devoir de fournir aux médias des informations exactes et rigoureuses, afin que les citoyens puissent être informés d’une façon libre et professionnelle ;

23. C’est la responsabilité des médias de veiller à diffuser des informations exactes de manière professionnelle et rigoureuse, dans le respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de la présomption d’innocence ;

24. AED et MEDEL condamnent toutes tentatives de contrôle des médias soit par le pouvoir politique, soit par des intérêts économiques ; ils condamnent les campagnes menées par des médias contrôlées, dans des pays comme la Bulgarie ou la Pologne, ayant pour seul but de porter tort à des magistrats.

AED et MEDEL poursuivront leur réflexion commune sur ces thèmes et veulent rendre hommage à tous ceux avocats, journalistes, magistrats et autres citoyens qui paient un prix élevé pour leur courageux combat en faveur de l’État de Droit démocratique et de l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.

En cette occasion, AED et MEDEL demandent la libération immédiate de toutes ces victimes d’une répression arbitraire et la cessation de tous les procès inéquitables en cours.

Bruxelles, 26 mai 2018.

 

L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE EN EUROPE

L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE EN EUROPE

AVOCATS/MAGISTRATS / DUO/DUEL

 

Colloque organisé par l’association des Avocats européens démocrates (AED) et l’association des Magistrats européens pour la démocratie et les libertés (MEDEL)

26 mai 2018

Bruxelles

 

Maison des associations internationales

 

40 rue de Washington

De l’interdépendance des fonctions et pratiques professionnelles ainsi que des statuts de chacun, pour l’enjeu de l’indépendance de la justice.

PROGRAMME

9h accueil des participants

9h30 propos de bienvenue

Aurore Lebeau, présidente du SAD et Manuela Cadelli, présidente de l’ASM

10h propos introductifs : histoire et utilité de l’indépendance de la justice

Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature

10h30 table ronde 1 – La crise : la Turquie / la Pologne

Modératrice/provocatrice : Pascale Taelman, Bâtonnière de l’ordre des avocats au Barreau du Val-de-Marne (France)

Intervenants : YA, juge en exil (Turquie), Çeren Uysal, avocate (Turquie), Anna Adamska-Gallant, juge (Pologne), Pier Virgilio Dastoli, presidént CIME (Consiglio Italiano del Movimento Europeo)

11h30 pause – café

11h45 table ronde 2 – avocats /magistrats : le duel

Modérateur/provocateur : Simone Gaboriau, ancienne présidente du Syndicat de la magistrature (France)

Intervenants : Henri Leclerc, avocat, Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme (France); Mariarosaria Guglielmi, magistrate, secrétaire générale de Magistratura democratica (Italie)

12h45 débat avec la salle

13h30 – 14h30 déjeuner

14h30 table ronde 3 – autorégulation et responsabilité

Modérateur /provocateur : Gualtiero Michelini, magistrat, ancien président de MEDEL (Italie)

Intervenants : Bertrand Courderc, ancien bâtonnier et ancien membre du Conseil national des barreaux (France), Emilio Sánchez Ulled, ancien président de l’Union Progresista de Fiscales (Espagne)

15h30 table ronde 4 – communication : le rapport à l’opinion publique

Modérateur /provocateur : Edmondo Bruti Liberati, ancien procureur de Milan (Italie), Mario López de Andújar, porte parole de Asociación libre de abogados y abogadas (Espagne)

Intervenants : Manuela Cadelli, magistrate, présidente de l’Association Syndicale des Magistrats (Belgique), Pau de Vilchez Moragues, professeur invité et doctorant au Département de droit international public de l’Université des Îles Baléares

16h30 débat avec la salle

17h15 synthèse par Paul Martens, président émérite de la Cour Constitutionnelle de Belgique

17h30 conclusions par Robert Sabata i Gripekoven, président de l’AED et Felipe Marques président du MEDEL

 

 

Inscription obligatoire : colloque.independance.justice@gmail.com

 

Participation aux frais (indicatif): 10 euro

 

What is progressive lawyering?

Conclusions of the conference: 30 years of activism

 

When I happen to be the last defender in a row, in trials with lots of participants, I often begin my closing argument saying that this looks like a double-edged sword: on the one hand one can refer to points already made, thus saving time, on the other hand one has to give effort to keep the interest of the judges alive.

There are two major differences in the present case: firstly, the points already made by the colleagues so far have given so much food for consideration that I couldn’ t even sum them up within few minutes so I just picked a couple of them to comment on; secondly, speaking to you makes things significantly better than facing sleepery judges’ faces…!

 

30 years are surely a good motivation for reflecting: reflecting upon experiences, terms, definitions, perspectives. At the same time many things have changed.

The difficulties emerge right in the first moment of the reflection on AED-subjects: who are we talking about? How can we define ourselves?

Left-wing lawyers: My personal dislike for this term had originally to do with my personal political preferences. But the current political situation has further complicated the situation.

And after all: what is called a lawyer who defends demonstrators in Venezuela fighting against a left-wing government? When the greek left-wing minister of justice openly seeks to interfere in a trial even if this happens in favor of a demonstrator, what is called the lawyer who protests against it and seeks to defend the separation of powers? I can only say that the term „left-wing“ appears to be rather problematic.

Movement lawyers: once again we run into theoretical burdens by just staring at the multitude of movements. Movements do unfortunately no longer move only to an emancipating direction, thus making the world more complicated. Movements can be very reactionary. What about the anti-abortion movements of catholics in Poland who, after all, fight for the fundamental right to life? Or the movements against ROMA-people who build militias in Ungarn?

I’ll give an example:

In Greece, gold mine workers fight for their right to work, against the closing down of the mines. They also fight against a left-wing government and three days ago they even occupied the ministry. But their fight is completely anti-ecological, so there’s a kind of civil war going on between them and the anti-gold movement I defend. But aren’t the workers a movement themselves?

Progressive lawyers: this could be an acceptable compromise, though not the best. Progressive can exclude reactionary lawyers, when it comes to movements and signalises the fight against stagnation. For sure you want to get things rolling towards a better future. But what should be the characteristics of a progressive lawyer?

I was very happy to hear Anne Maeschalk‘s remark that introduced the criterium of quality of work: a progressive lawyer in the first place should acquire particular competences so as to be useful, in other words he/she has to be a good lawyer. It serves nothing to supply somebody with legal support of low quality. Unfortunately the latter is often the case back home, when it comes to the defence of demonstrators. Standing as a competent jurist on the side of a movement fills it with pride and dignity: the confrontation with the almighty state power is not like down the street, where the police mechanism is highly equipped and usually beats off the demonstrators; in the courtroom, a good legal defence along with conscious defendants can not seldom celebrate victories against the state.

Then a progressive lawyer must be a solidary lawyer: once again we come across a hard definition, but I could give it a try saying that a solidary lawyer is one who sets the financial aspect of the mandate aside, because he/she is touched by the cause of the struggle to a certain extent. The values at stake are what moves most the lawyer in this case, rather than the professional aspect. In this direction, the lawyer should be able to even defend people that he doesn’t particularly like, if he recognises that the political-legal-human rights stakes are of greater importance the person of the defendant himself. Ceren’s example of the not-solidarity for persecuted judges and persecutors who had taken bad decisions against Kurds etc. in the past gives food for thought in this direction. I can realise what it feels being overloaded and it’s fair enough giving priority to solidarity to other people who deserve it more. But let’s assume the case of such a judge was the only one; should we then leave him alone due to his past decisions or consider the importance of the independence of judiciary and the separation of powers and support him?

A side that wasn’t particularly discussed in the panels is the structure of the office of a progressive lawyer. Lawyers‘ collectives are rather an exception, but can a progressive lawyer be solidary to the movements while he exploits for instance some young lawyers? Can a progressive lawyer work in a hierarchically structured environment and support at the same time emancipation struggles? It’s a long discourse, many fascinating stories could then be heard, as well as experiences of dissappointments. But in an effort to be precise about which lawyers AED represents or includes, I think that this is an important aspect. Of course, the accumulated experience of the legal teams is a relevant topic; AED c proud to have supported most if not all of them.

A further question regards the presentation of political contents in the courtroom. I tend to believe that this is rather the duty of the defendants themselves; the lawyer has to understand the political frame, try to deconstruct the inconsistencies, denounce the indictment, uncover the plots of the police, but not replace the subject of the struggle. It’s often tempting to politicize during a trial; experience has taught me that resisting this temptation gains the respect of the judges which is then reflected positively upon the defendants themselves. And after all: criticizing the behaviour of the police, the system of justice, the law, the processual misconducts, making mistreatments public, suing cases of torture etc – isn’t all this political enough? Presenting the cause of a struggle, its achievements and its goals, this is all a task for the defendants in the first place.

One of the questions also raised today concerned the independence of the lawyer from the client. Should the lawyer present any argument the defendant wishes? Or the contrary: I happened to defend a group of nihilist anarchists who asked me to refrain from any legal arguments during the trial and just denounce the methods of the antiterrorist department etc. I rejected. I think that a lawyer should preserve his/her own dignity. This component „free“ in the word freelance or in the even better word Freiberuf has to mean something, doesn’t it? Or another example has to do with the limits that everybody lawyer sets to himself: can somebody defend a guy who accuses his comrades? Who just changed his mind and regretted former actions? Who is possibly a consequent fighter but too macho within his group? I don’t intend to risk even general answers, because they’re a personal matter of each one of us. What’s for sure, we should see the freedom in our choices while exercising our profession as limitless; if we don’t want it to let it be restrained by the judges, we certainly cannot let our clients deprive us of it.

 

Actually I don’t think that my intervention contained the conclusions it was supposed to. But since there was a „view ahead“ in the initial programme that waw originally sent to me, I just made some sporadic remarks about that. But I’m convinced that AED has the experience, the determination and the potential to view ahead in the next 30 years.

Harry Ladis

 

LES ORIGINES

Chers confrères, chers amis,

Je me sens très honoré d’avoir été appelé à intervenir lors de cette célébration du 30e anniversaire de la fondation de l’AED. Cela signifie que mon intervention au moment de la célébration du 20e anniversaire, il y a dix ans à Paris, a été bien reçue, et cela me permet d’espérer que vous m’appellerai à nouveau, si je suis encore vivant, à participer, à l’occasion du 40e anniversaire de notre association.

La célébration des trente ans d’existence – qui est déjà un succès pour une organisation comme la nôtre – est sans aucun doute un moment opportun pour commencer à nous interroger sur l’origine de l’AED, le contexte social et politique dans lequel elle est née, et les convictions et les espoirs qui ont mené sa création. Bref, pour savoir d’où nous venons pour mieux comprendre où nous sommes et où nous voulons arriver collectivement. On m’a demandé que, en tant que témoin et acteur à la phase de la fondation de l’association, je partage avec vous quelques souvenirs que je retiens dans ma mémoire en ce moment de regarder en arrière.

Je ne suis pas en mesure et je n’ai pas le temps de faire un exposé global du processus long et complexe qui a abouti à la constitution formelle de l’AED en octobre 1987. Je me limiterai donc à certains épisodes que j’ai personnellement vécus et que je considère significatifs afin d’aider à comprendre ce processus et pour le situer dans la perspective des années passées.

Le premier épisode correspond à ce que nous pourrions appeler la préhistoire de l’AED. Je me remonte à dix avant la date que nous célébrons aujourd’hui. Au printemps 1977, j’ai reçu une invitation de la section toulousaine du Mouvement d’Action Judiciaire, une organisation française de juristes de gauche, pour participer à une conférence internationale d’avocats sur la répression politique au niveau européen. L’invitation m’a été faite verbalement par un ami jeune avocat, catalan de nationalité française, et a été entouré d’un secret d’air conspiratif qui m’a attiré. J’ai accepté, en élargissant l’invitation à certains collègues de Barcelone dont j’avais confiance absolue. Après quelques jours, j’ai reçu un rendez-vous par le même conduit: nous devions être à une date et à une heure précise dans un endroit indiqué en face de la gare de Toulouse, oú nous devions attendre jusqu’à ce qu’on vint nous chercher pour nous emmener vers un endroit non identifié, où la réunion devait se tenir. Comme prévu, nous avons été transportés dans une énorme maison de campagne, isolée au milieu des champs, dans un endroit nommé, comme j’ai su ensuite, Persin-Bas, aux alentours de Toulouse. On nous a fait savoir qu’autant de mesures de sécurité étaient justifiées par la présence lors de cette réunion de quelques collègues allemands qui avaient quitté leur pays clandestinement, fuyant la police qui les liait à des organisations armées d’extrême gauche. Dans cet immense manoir décadent et dans des conditions fort précaires, plus d’une centaine de personnes de différents pays ont passé deux jours et deux nuits, sans quitter la maison pour des raisons de sécurité, et constituées en assemblée permanente. La plus part étaient des français qui avaient déjà engagé une structure organisationnelle, le Syndicat des Avocats de France, un groupe nombreux de Belges, mais aussi des Hollandais, des Italiens et un bon nombre d’Allemands. Il y avait aussi quelques basques. Pour ce qui fait le groupe de cinq avocats venus de Barcelone, qui venaient de quitter une dictature oppressive et sans expérience internationale, cette atmosphère apparaissait fascinante.

Le thème central des débats a été la critique de la législation antiterroriste alors embryonnaire, mise en œuvre sous diverses modalités dans la plupart des démocraties européennes, et ses conséquences dans la sphère judiciaire et dans la pratique de la police, dans le contexte d’une période de confrontation sociale aiguë en Europe occidentale. De ces jours intenses d’information partagée, de discussions théoriques sans fin, de multiples propositions à l’égard du rôle des avocats de gauche face à la répression politique, les participants ont retenu quelques idées claires: la nécessité de s’organiser, à la fois au niveau national et européen, pour faire face en tant qu’ avocats à toutes les violations des droits fondamentaux et des libertés publiques, au nom d’une politique sécuritaire visant à contaminer tout droit pénal et procédural et à devenir un instrument pour le pouvoir, valable pour supprimer toute expression de divergence radicale avec le système. Il a été décidé de tenir une nouvelle réunion l’année suivante 1978, avec l’intention de commencer à structurer une organisation européenne d’avocats de gauche. La rencontre, à laquelle j’ai également assisté, a effectivement eu lieu à San Sebastian, au Pays Basque. La réunion a été un échec complet, provoqué par des dissensions politiques entre les organisateurs Basques eux-mêmes qui ont monopolisé les débats, et là l’initiative a échoué. Le résultat pratique de ces expériences, cependant, a été la mise en place d’un réseau de relations personnelles entre avocats de pays et cultures juridiques différents; relations qui, en grande partie, sont devenues permanentes, et qui ont contribué à maintenir en vie l’idée d’une association européenne. Quelques années se sont écroulées jusqu’à ce que, au sein du SAF, l’impulsion a surgit de reprendre cette initiative, et il est juste que moi aussi, comme l’a fait notre présidente, rende hommage à qui fut le premier président de l’AED, Gérard Boulanger. Je suis le témoin de son activité débordante, en profitant ce vieux réseau de contacts et de relations tout au long du processus de création de l’association actuelle.

Il m’a parût intéressant d’expliquer les origines lointaines de l’AED pour mettre en évidence le fil de la continuité entre ces antécédents et les axes centraux de l’activité AED tout au long de son histoire: la défense continuée des droits fondamentaux de l’homme et des libertés démocratiques; la défense des droits de la défense et les garanties du libre exercice de notre profession; la solidarité avec nos collègues au monde entier lorsqu’ils sont réprimés précisément pour défendre la justice.

L’autre épisode dont je veux me souvenir a eu lieu dans une atmosphère très différente. C’est le moment, il y a trente ans, où j’ai signé en tant que président de l’Association Catalane pour la défense des droits de l’homme, l’acte de constitution de l’AED, dans la cadre solennel du Parlement européen à Strasbourg et dans une salle entièrement équipée de la dernière technologie, mise à notre disposition grâce au groupe parlementaire socialiste. Le contraste avec les conditions précaires de la réunion à demi clandestine à Persin-Bas m’a fait réfléchir. Il est vrai que, au cours du procès de constitution de l’AED, nous tous avions accepté de bon gré que l’association que nous étions en train de créer ne pouvait pas se réduire à un groupe militant d’avocats gauchistes centrés exclusivement en la lutte antirépressive. L’AED est née dans un contexte social et politique européen très différent de celui qui existait dix ans auparavant. L’Europe occidentale était en train de consolider ses institutions communautaires et de bâtir une nouvelle architecture juridique avec l’apparition d’un pouvoir législatif et des instances judiciaires européennes, qui étaient destinés à l’emporter sur les instances nationales. La construction de l’Union européenne était en train de provoquer des changements spectaculaires dans la politique, l’économie et la société des États membres, qui touchaient de plein l’exercice professionnel des avocats. Dans ce scénario de profondes transformations nombre des fondateurs de l’AED voyaient une opportunité pour une association comme la nôtre. Toujours optimistes, ils croyaient en la possibilité de construire une Europe unie comme espace de liberté et de démocratie, entre deux impérialismes existant alors, américain et soviétique, et dans le cadre d’un capitalisme alors relativement pacifique, dans une phase de croissance économique et avec peu de conflits sociaux. Il fallait donc profiter de ce moment historique favorable pour intervenir en défense de notre patrimoine idéologique, ce qui impliquait de donner la priorité à la présence de l’AED dans les institutions et les centres de pouvoir où se discutaient et décidaient les changements qui nous touchaient, au niveau national et européen.

D’autres, comme moi, ne partageaient pas cette vision idyllique de la construction de l’Europe et étaient plutôt sceptiques à propos de la possibilité d’exercer quelque influence dans un sens progressiste dans le cadre des institutions. Nous n’avons pas refusé d’explorer cette option, mais nous avons continué à penser qu’il était prioritaire de préserver l’indépendance de notre association en tant qu’instrument de critique et, si nécessaire, de confrontation ouverte avec les institutions dans la lutte pour une société plus libre et plus juste. Nous avons également vu avec préoccupation le danger que représentait le péage d’être instrumentalisés par quelque option politique de parti, que nous devrions payer pour être admis dans les institutions européennes,. Cette inquiétude est devenue alarme lorsque, lors d’un colloque organisé par l’AED à Maastricht en novembre 1988 sur l’aide légale, une association d’avocats de Madrid sous l’acronyme d’ADADE, dirigée par un frère du Ministre de la Justice du Gouvernement socialiste espagnol, est venue avec l’intention de s’intégrer dans l’AED. Dans sa présentation au Bureau de l’association qui devait les admettre, ils ont exprimé avec autorité et maladroitement leur prétention de convertir l’AED en une organisation sous la tutelle du groupe socialiste du Parlement européen. Face à la froideur manifeste avec la quelle a été reçue cette proposition, ADADE a désisté d’adhérer l’AED.

Dans mon discours, que je termine, j’ai attiré votre attention sur deux moments importants du processus de construction de l’AED. Au moyen de la métaphore de la confrontation entre deux scénarios aussi variés qu’une ferme dans des conditions précaires et une salle hautement technicisée du Parlement européen, j’ai voulu signaler que, dès ses origines, l’AED a été un point de rencontre et du confrontation entre deux âmes, qui, en partageant les mêmes convictions démocratiques, ont coexisté dans le même cadre organisationnel, avec des moments de tension et des équilibres instables. Mais la réalité, comme toujours, a fini par imposer sa loi. Il a rapidement été évident pour tous que la construction européenne se déplaçait de dans un sens parfaitement opposé à nos objectifs en tant qu’association, et que notre vrai lieu devait être à côté des mouvements sociaux et politiques qui luttent pour la démocratisation de l’Union européenne, l’élargissement des droits de la défense, l’extension de l’accès au droit de tous les citoyens sans discrimination et la défense radicale des droits de l’homme et des libertés fondamentales contre l’abus du pouvoir, avec indépendance de tout pouvoir, comme le disent nos Statuts dans son article 2.

L’excellent discours de notre présidente, que nous venons d’écouter, est la preuve évidente que l’engagement de l’AED avec ses objectifs fondateurs reste intact, en ce moment de crise extrême des valeurs démocratiques, de retrait des libertés et de militarisation de la société, qui touche l’Europe et le monde entier. Merci beaucoup, Madame la Présidente, pour votre discours, et pour vous tous de m’avoir écouté.

August Gil Matamala, ancien président de l’AED (2004-2007)

Berlin, 16 septembre 2017.

REGARDER EN ARRIERE ET AVANCER

REGARDER EN ARRIERE ET AVANCER, en d’autres termes tirer les enseignements de l’histoire pour éviter le perpétuel recommencement. Quelle contribution, nous, Avocats Européens Démocrates pouvons nous apporter à ce projet, de quelles vigilances devons nous faire preuve pour aller vers plus de droits fondamentaux et d’égalité chez nous, et entre les hommes, le monde étant aujourd’hui un vaste village.

Dans « Le monde d’hier » rédigé en 1941, STEFAN ZWEIG évoque sa rencontre avec Romain Rolland en 1913 et en rapporte sa conversation au sujet de « Jean Christophe », œuvre de Romain Rolland dont le héros incarne l’espoir d’une humanité réconciliée. Rolland devait lui expliquer alors avoir « essayé par cet ouvrage de s’acquitter d’un triple devoir en exprimant sa reconnaissance à la musique, sa foi en l’unité européenne et un appel à la conscience et à la raison des peuples. Maintenant, disait il, nous devions tous agir, chacun à sa place, chacun dans son pays, chacun dans sa langue. Il était temps d’être vigilant, de plus en plus vigilant. Les puissances qui poussaient à la haine étaient, en raison même de la bassesse de leur nature, plus véhémentes et plus agressives que les forces de conciliation… ».

L’histoire nous a enseigné ce qu’il en a été.

 

Quelques pages plus loin, évoquant l’ascension d’HITLER, et l’absence de crainte éprouvée par les citoyens, en 1933, il écrit : « quelles violences pouvait-il exercer dans un état où le droit était fortement ancré, où la majorité du Parlement était contre lui et où chaque citoyen de l’état croyait sa liberté et l’égalité des droits assurées par la Constitution solennellement jurée ? puis vint l’incendie de Reichstag, le Parlement disparut ; Goering lâcha ses bandes déchainées, d’un seul coup, tout droit était supprimé en Allemagne… » Personne ne pouvait croire à ce qui se produisait. Et pourtant…

 

La construction de l’Europe s’est faite pour éviter que les abominations de ces deux guerres mondiales ne se reproduisent. Il s’est agit de construire un espace de paix et de stabilité. Y est on vraiment parvenu ?

Depuis 1950, les accords se sont succédés, les alliances se sont multipliées, le nombre de pays concernés s’est élargi, d’autres frappent à la porte, pleins d’espoir…tandis que certains ont des velléités d’en ressortir, l’Europe leur imposant des règles économiques impossibles à tenir et mettant leur population à genoux, ou refusant les solidarités qu’elle est censée organiser…

 

Dans cette Europe de « paix et de stabilité » les mots n’ont pas le même sens pour tous ; les droits fondamentaux des uns se rétrécissent, tandis que la prospérité des autres s’accroit.

 

Les relations de l’Europe, sortie de la période de colonisation, avec les états tiers ne cessent de se complexifier au fur et à mesure que les circulations de populations s’accélèrent, intensifiées par les guerres, les violences, la faim, les désordres climatiques…

 

La montée de nationalismes se fait à nouveau sentir ; la peur de l’autre augmente ; le rempli sur soit s’accentue…et les libertés régressent.

 

Le rôle des avocats n’en est que plus essentiel, comme garants des libertés et des droits individuels et collectifs, mais aussi comme « lanceurs d’alerte ».

 

L’AED est née il y a trente ans, en octobre 1987, deux ans avant la chute du mur de BERLIN, lieu emblématique s’il en est. C’est à Berlin que nous nous retrouvons aujourd’hui pour célébrer les 30 ans de notre association.

Des avocats progressistes de six pays européens ont décidé, à l’initiative de Gérard BOULANGER, avocat bordelais, ancien président du SAF, d’unir leurs forces pour défendre les valeurs démocratiques, préserver l’indépendance des avocats à l’égard de tout pouvoir, qu’il soit politique, social, économique ou ordinal, préserver leur intégrité physique, politiques et économiques de manière à leur permettre d’œuvrer pour un véritable accès aux droits et aux juridictions nationales et internationales à tous.

 

Aujourd’hui des confrères de deux autres pays nous ont rejoints, la Turquie et la Grèce, pays particulièrement emblématiques des besoins de justice sociale et de liberté.

 

L’AED est une association d’associations et non de membres individuels.

Cette structure a permis la continuité pendant toutes ces années :  chez nous, pas de stars qui, un jour, s’en sont  allés et ont laissé ainsi mourir tant de mouvements sans lendemain.

Au contraire, nous avons tenté de cultiver une double et exigeante démocratie interne :  débats dans chaque association membre, et, ensuite à nouveau, débats à l’AED.

Des centaines d’avocats se sont engagés bien sûr à titre individuel, avec énergie et sans compter : les remercier ici tous sans pouvoir les nommer.

 

Notre vigilance et notre engagement se doivent de ne pas mollir. Rien n’est acquis, bien au contraire.

 

Nous voyons avec effroi nos pays européens s’unir pour organiser l’exclusion des hommes, des femmes et des enfants qui frappent à nos portes venant de pays dévastés. Nous voyons les ONG qui tentent de sauver des vies en Mer Méditerranée harcelées et empêchées dans leurs actions humanitaires ; nous voyons incriminés chaque jour, des citoyens qui n’ont rien commis d’autre que des gestes d’humanité et de solidarité. En France Cédric HERROU, agriculteur de la Vallée de la Roya, vient d’être condamné à 4 mois de prison avec sursis, par la Cour d’ Appel d’ Aix en Provence pour être venu en aide à des migrants désespérés. Il est placé en garde à vue plusieurs fois par mois, à titre d’intimidation…

 

Dans le même temps, des groupes d’extrême droite parviennent à lever des milliers d’euros pour affréter un bateau n’ayant pas d’autre but que de repousser et de renvoyer à la mort ceux qui tentent la traversée de la Méditerranée, sans que nos états n’interviennent d’aucune manière. Les situations inhumaines se multiplient dans nos villes , que se soit à CALAIS, à PARIS,à CEUTA et MELILLA, en Italie, en Grèce…même la situation des mineurs n’est plus traitée comme nous y sommes pourtant tenus par des textes nationaux et internationaux.

 

Est-il utile de rappeler que le « délit de solidarité », ou plus juridiquement « l’aide à l’entrée, au séjour et la circulation » de manière intéressée ou désintéressée constitue un délit depuis 1938 ! ah quand l’histoire s’invite dans le débat… Georges GUMPEL, 80 ans aujourd’hui, enfant juif caché, séparés des siens, orphelin d’un père mort dans un camp, a lancé le 21 février dernier le « manifeste des enfants cachés » déclarant « sans la solidarité de délinquants nous ne serions pas là ». Il ajoute : « les gens qui nous ont cachés et ceux qui aujourd’hui portent secours à ces exilés sont la conscience de la société civile, sa rigueur… »

 

Aujourd’hui en France, ces délinquants solidaires de la dernière guerre sont considérés comme des « justes », mais ceux d’aujourd’hui sont bien traités comme des délinquants !

 

Les accords passés avec la Turquie et bientôt avec la Lybie sont inouïs, confiant la gestion de NOS frontières à des états dont on ne peut ignorer les comportements.

 

Les avocats de l’ AED se sont pleinement engagés sur ces questions, dans chacun de nos pays.

 

Les droits sociaux des citoyens d’Europe sont dans le même temps chaque jour remis en cause : l’aide juridictionnelle de plus en plus contestée et réduite ; le droit du travail remis en cause au nom du libéralisme et du droit d’entreprendre ; la répression des mouvements sociaux et le recul des libertés justifiés au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme…chacun s’accoutume à moins de liberté.

 

Les avocats de l’ AED ne s’y habituent pas. Ils ont fondé la « legal team europe », réseau international d’avocats pour la défense des manifestants lors de sommets du G 8 ou de Conseils Européens ; ils ont été partie civile dans le procès de Gênes, par la voix de Gilberto PAGANI notre ancien Président ; ils participent au réseau européens d’avocats en droit du travail ; ils ont menés des actions pour sauvegarder l’accès aux droits des plus faibles…

 

L’ AED se doit évidemment d’assurer une veille relative à la sécurité des avocats et d’organiser la solidarité quand elle est remise en cause. C’est ainsi que depuis de nombreuses années nous avons organisé la « journée de l’avocat menacé », chaque 24 janvier ; un certain nombre d’associations et d’organisations professionnelles nous ont rejoint dans cette démarche et nous ne pouvons que nous en réjouir.

 

Notre attention s’est portée sur la situation de nos confrères, en Colombie, en Turquie, en Iran, aux Philippines, en Chine, au pays Basque, au Honduras…

 

Disons clairement que cette dernière année a été particulièrement préoccupante pour le sort réservé à nos confrères turcs, défenseurs des droits de l’homme et des libertés fondamentales, auxquels nous tenons à réaffirmer ici notre totale solidarité et soutien et à rendre hommage à leur courage.

 

Ce colloque doit être l’occasion de nous renforcer mutuellement, de nous remotiver si nous en avons besoin, de nous conforter dans notre besoin de liberté et de solidarité et de repartir chacun chez nous forts de la phrase de ROMAIN ROLLAND : « nous devons tous agir, chacun à sa place, chacun dans son pays, chacun dans sa langue. Il est temps d’être vigilant, de plus en plus vigilant ».

 

 

 

Naples Conference on Mediterranean Lawyers

We thank the organizing associations of this meeting for their work and for their kind invitation. Many lawyers of our association from various European countries are present today to follow our work carefully.

The AED (European Democratic Lawyers Association), in which Italy is present through the association “Legalteam Italia”, has always contained in its structure a Commission called “Defense de la Defense“, which is devoted to defend and practice solidarity with lawyers who are deprived of liberty throughout the world or persecuted for their work of human rights’ advocacy.

For this reason, along with the intervention of lawyers of the association, the Commission has been present in Indonesia, Spain, Tunisia, Kashmir and in many other countries of the world where the role of lawyers has been opposed by dictatorial and / or fake democratic governments.

It was immediately decided to express our utmost solidarity with the colleagues of neighbouring Turkey even in view of its forthcoming accession to the European Union. During the 1990s protests, we got together in front of the Turkish government to protest for the arrest of the then President of the’ Association of Human Rights and Vice-President, both lawyers of the Diyarbakir Order, Sakar and Tanrikoglu.

On this occasion, a delegation from Germany was sent to organize the presence of trial observers during their trial as well as the presence of lawyers in Istanbul, where solidarity was given to colleague Erin Keskin, of the same Human Rights Association, arrested in Istanbul and prosecuted on the 20th of May 1997.

During the coming years, the AED has always worked to defend our colleagues who have suffered arrests and torture in Turkey. We remember our colleague, the lawyer Sevil Dalkilic, who was tortured and induced to confess falsely that she was a member of a terrorist organization; in this occasion as in other, AED and Amnesty International coordinated the intervention. The Turkish government never responded to the many motions and protest letters sent by our association to the diplomatic representatives of  their country. The AED through its commission defense of the defense sent a report to the Human Rights Commission in New York on the case of Sevil Dalkilic.

Several interventions have been organized to ensure the presence of the AED lawyers, as well as other international observers of associations formed during the years, to trials against lawyers who face arrests and torture in Turkey for the work in the defence of citizens unjustly accused of carrying out terrorist activities, especially lawyers and representatives of Kurdish citizens who for years have been claiming their autonomy and freedom, while the Turkish government has always been the expression of military dictatorships and fascist hegemony. The Turkish government have always denied political independence to the Kurdish community, who today is also engaged, militarily, in defending Europe from the attacks of ISIS in the Syrian territories.

For some years now, lawyer’s protests have taken place. Lawyers demonstrate, clothed in their working robes, in front of the Turkish Embassies and Consulates in the countries where members of the AED are present.

Lawyers protest against the numerous arrests and expulsions from Turkish territory of members of delegations who come here to observe the proceedings against lawyers, journalists, teachers and workers subject to the repression that the Turkish government now exercises against all opponents. During the long-term detention of the President of the Kurdish Workers Party (PKK), President Ocalan; numerous lawyers have been expelled because they were engaged in defense of Ocalan both in Germany and in Italy in the short period of his presence in Europe, where he asked for political asylum (granted in Italy in 1998).

Colleagues are also denied entry to Turkey, when they go to provide legal aid together with Turkish Lawyers and their Associations (CHD, IHD, etc …).

In 2011, the AED dedicated for the first time the day of the 24th of January to the protest in defense of lawyers threatened around the world because of their role in the defense of human and civil rights. The 24th of January commemorates the day were a large group of labour lawyers were assassinated by fascists in Madrid in 1977 for their commitment to defend workers.

In the following years, an increasing number of lawyers have demonstrated on behalf of other lawyers. They have demonstrated in front of the Embassies of Colombia, Honduras, the Philippines, Iran and, above all, in recent years, Turkey, Egypt and China. This initiative has led to the collaboration of many associations, and from 2012 to today, hundreds of lawyers in their robes have demonstrated in front of diplomatic delegations across Europe. This has also determined the entry into our association of a Turkish Lawyers’ Association from 2015. In 2017 the Greek have also joined our association.

The Mediterranean is the scene of numerous political transformations that have emerged from the peoples’ awareness of their right to self-determination; since 2011, with the well-known “Arab Spring”, we have seen the desire for change expressed by peaceful peoples who have immediately suffered repression and violence. The people have confronted this repression with courage and determination, together and with the help of lawyers who have been threatened and tortured for their civil engagement.

To further our political commitment and the cooperation with the Associations of Lawyers as well as the individual lawyers present today, we welcome the proposal to sign a Charter here in Naples, which defines the principles and goals for which we have chosen the commitment all of us try to pursue, with our usual solidarity and the necessary affirmation of the right of all those who call us to defend the conquests of liberty for which they struggle and die.

On this particular occasion, it is time to express our solidarity to the Catalan people who, peacefully, have tried to manifest their political self-determination and have suffered an unheard of repression by the police forces of a country that should deal democratically with the disputes that arise with the citizens. Instead the Spanish state has sparked an unjust and evil force against helpless citizens, causing hundreds of injured in a day, when all they wanted to do is to vote.

Naples, on the 7th and 8th of October 2017

for the AED Simonetta Crisci

30 years of Activism

The association European Democratic Lawyers, AED-EDL is celebrating 30 years of work in defence of the rights of citizens. This federation of European lawyers has aimed at preserving the independence of lawyers with regard to any power, be it political, social, economic or ordinal.

Much has changed since 1987:Back then, the European Union seemed to be able to provide a common space, characterized by the creation of a democratic, modern and human European law. Thirty years later, we meet to discuss the changes in Europe, the strategies to defend fundamental rights and the solidarity with our colleagues all over the world.

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We hope to see you in Berlin!

Download our invitation in English: Berlin – 30years or in French: Berlin -30 ans

 

Report on the International lawyer conference in Ankara

Report by Hans Gaasbeek about the international lawyer conference held in Ankara (Turkey) between the 13th and 15thof January, 2017

The ‘International Conference On Law, State of Emergency And Judicial System in Turkey’ was co-organized by different European lawyer organizations like: the AED (European Democratic Lawyers), the ELDH (European Association of Lawyers for Democracy and World Human Rights) and the Foundation Day of the Endangered Lawyer.

The conference was also co-organized by the European organization of judges MEDEL (Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés). A great number of bar associations of cities in all corners of Turkey was co-organizer and had a big impact on the programme and organization of the conference.

The conference was held in Hotel Plaza in Ankara, where a lot of international colleagues were staying for the weekend.

This was a pleasant hotel with a very well-equipped conference room. There was no special security, except for one unarmed person at the entrance of the hotel. There was a huge interest from Turkish lawyers in the conference. They were coming from over 30 Turkish cities. There were 300/400 lawyers and judges taking part. 6 panels were organized with different speakers, who highlighted their specific subject. The subject of the speeches was the actual situation of the disappearing state of law in Turkey.

It was very different from other lawyer conferences. In this conference there was a lot of attention for the other professionals who are also endangered. There was a journalist panel, a judges panel, a panel of members of parliament. The panels of the journalists, judges and members of parliament and also the international panel and the Turkish lawyer panels have painted a very accurate picture of the actual situation and how the different professions are threatened and have to work in an atmosphere of fear and intimidation.

In the international panel I informed the public about the way the Dutch social lawyers association VSAN works and about the way of working of the Foundation Day of the Endangered Lawyer. I also invited the lawyers of the 30 Turkish cities to manifest themselves on the Day of the Endangered Lawyer for the general position of the lawyers and the attacks on the Rule of Law. I explained how the actual difficult situation in Turkey is seen by the politicians and press in Holland. During the congress I was in contact with a journalist of the Dutch newspaper Algemeen Dagblad a couple of times; he published a small interview with me on the internet (a copy of this interview is attached to this report). I was the only person from the Netherlands present on this international conference.

Because of the fear for tensions and possible problems for the organizors of the conference, I had informed and invited the Dutch embassy to take part in the conference. After a few contacts via e-mail we were able to establish a good working relationship with the second secretary of the embassy, who was present during the afternoon programme on the second day of the conference. I introduced him to a lot of judges and lawyers who represented the different Turkish bar associations and the international organizations. He was the only diplomatic visitor, which gave the conference an extra dimension, also from the point of view of safety.

The former German judge Ingrid Heinlein was also present at the conference. We had already been in touch with her in 2016, when the Day of the Endangered Lawyer focused on the difficult situation of the lawyers and judges in Honduras. This judge had taken part in a fact-finding human rights mission in Honduras two years ago. She has already been a member of the international European judges organization MEDEL for more than 20 years, and is also a member of the German ‘judges for judges’-association. I also contacted the Dutch foundation Rechters voor Rechters (Judges for Judges) about the Ankara conference. The president of this foundation had also thought about taking part in this conference.

During the conference, there were no real problems with the Turkish police or justice authorities, apart from one incident: the Italian lawyer Barbara Spinelli – who was going to speak at the conference – was stopped at the airport in Istanbul. They arrested her and made her spend one night imprisoned, before sending her back to Italy the next day. She was hindered in taking part in the conference, while she was one of the speakers of the international panel.

During the conference a lot of information was given to the lawyers and judges present. After the failed coup attempt 70.000/80.000 people were put in prison. Among them were 3007 judges and prosecutors and about 300 lawyers.

Detaining so many judges and lawyers is a very, very intimidating action for these professions and, in my view, it means the abrupt end of the Rule of Law in Turkey. We cannot possibly speak of an independent judicial system anymore, in which no political or other state power influences decisions. At the moment the government exercises extreme power over the judiciary. This is an unacceptable situation for a democracy.

Those present in the conference were told that many radio stations and television stations and newspapers were closed by the government. The speakers in the panels were under the impression that after the coup, many people were arrested arbitrarily and for not very logical reasons. Judges, lawyers and prosecutors were arrested randomly. Furthermore, at the conference it was said that the Turkish government didn’t do any serious investigation on the real perpetrators after the coup. It was even said that the investigation had already been closed or would close very soon.

At one lawyers office 7 lawyers were arrested. One of the people still representing this office gave me a small file with a request for help. The last remaining lawyer at this office – who had not yet been arrested – had to offer legal assistance to his own colleagues.

After being arrested, judges and lawyers are being kept in detention, according to their Turkish colleagues, in opposition to the rules of the European Convention on Human Rights and against the standards of the Turkish detention laws. Arrested lawyers and judges are not allowed to see a lawyer, and if they are, it is – in the best case – only half an hour per week. All contacts with their lawyer and with third parties are being recorded and monitored by police officers in prison. Official papers are being copied by the prison authorities. Besides that, lawyers are directly identified with their clients who are often accused of being part of the Gülen movement.

I was impressed by the very strong solidarity between all the lawyers coming from more than 30 Turkish cities from all over the country. The Turkish lawyers were very happy to have the support of the co-organizing European lawyer organizations and the organizations of judges. All the international guests were treated with big hospitality and personal support.

Among the many arrested lawyers and judges there are also many presidents from local bar associations and even from courts. The Turkish media who are pro-Erdogan and who are pro-the Turkish government are often accusing the arrested jurists of being terrorists, which makes it easier for the government to treat the arrested more severely and facilitates even more restrictions during their detention.

Since July 2016, the Turkish government has lifted c.q. suspended the working of the ECHR, by declaring a state of emergency and prolonging this afterwards. In Turkey groups and individual persons are often being accused of being a member of a criminal organization. Furthermore there have been many house and office searches in the homes and working places of arrested lawyers and judges. There have been many complaints about the treatment of people in detention. Many detained lawyers and judges complain about the fact that they were harmed psychologically and physically because the lights in their cells were on the entire night, so they couldn’t sleep. The detained lawyers and judges are often humiliated; they complained of being exposed in handcuffs in court houses.

There seems to be a situation of growing lawlessness, which is not only increasing for the arrested judges and lawyers, but also for those who have not yet been arrested.

We have been informed that the prosecution of judges and lawyers in Turkey is done with many faults and in a very careless manner. Many people are accused, without any real evidence or proof. Also, most of the times the actual exact accusation is very unclear. Often, it appears that the accusations are quite bizarre like undermining the state, doing terrorist acts or being a member of a criminal organization. Especially since the Turkish government has forbidden many, many organizations, also two well-known lawyer organizations, OHD and CHD, people can now be arrested quickly and be seen as an offender when they are a member of such forbidden lawyer organizations or active in such organizations.

The Turkish colleagues took very good care of their foreign colleagues. We were picked up and brought back to the airport and treated with a lot of hospitality.

From my contacts with many Turkish colleagues at the conference, it appears to me that many people are exhausted because of the continuous pressing political situation. It was clear that the colleagues are suffering because of this actual political situation. In Ankara, there was a lot of police on the street and it was no longer a town with atmosphere.

At the diner in the building from the bar of Ankara, the situation was quite different. After a very nice dinner, we heard people singing Turkish songs and dancing. After saying goodbye to our colleagues we took the bus to the airport and left with mixed feelings. We were leaving while they had to continue living in this difficult situation.

Hans Gaasbeek

International coordinator of the Day of the Endangered Lawyer, president of the Foundation Day of the Endangered Lawyer and vice president of the Dutch League of Human Rights

« Le système judiciaire sous l’état d’urgence, en Turquie »

Mes Chers confrères,

Comme vous le savez, je me suis rendue à ANKARA les 13, 14 et 15 janvier dernier, pour participer à une conférence internationale portant sur conférence organisée par 22 Barreaux turcs (entre autres Ankara, Adana, Antalaya et Diyarbakir), l’AED, la Fondation de la  Journée de l’Avocat Menacé, l’ELDH et le MEDEL avec le soutien de quelques organisations internationales européennes et Barreaux.

J’étais en compagnie de Robert SABATA, secrétaire général de l’AED, de Jean-Philippe DE WIND, membre du SAD et de Hans GAASBEEK du VSAN et de la Fondation de la Journée de l’Avocat Menacé.

A titre d’information, je joins à la présente le texte de présentation de la conférence, la liste de participants, le communiqué de presse et les différents thèmes qui ont été abordés.

C’est en qualité de Présidente de l’AED que j’ai été amenée à intervenir dans ce colloque, tant en ouverture de séance, que sur deux tables rondes, ainsi que lors de la conférence de presse qui a été organisée par nos confrères turcs.

Il s’agissait pour nous, participants étrangers, de marquer notre solidarité avec les confrères, magistrats, journalistes et députés qui, depuis que l’état d’urgence a été déclaré en juillet dernier, vivent des moments particulièrement difficiles, subissant des arrestations arbitraires, des séquestrations, des destitutions, des tortures, pour des faits de terrorisme qui n’ont absolument rien à voir avec la réalité de leurs activités.

Entre 200 et 300 personnes étaient présentes pendant ces trois jours de travaux et je ne peux que louer le courage des ces différents participants dont de nombreux bâtonniers, confrères, juges, parquetiers, journalistes, enseignants et parlementaires, qui du simple fait de leur présence lors de cette rencontre se sont exposés durablement.

Je dois signaler que l’une de nos consœurs italiennes, Barbara SPINELLI, qui devait participer à la conférence pour le compte de l’ ELDH, a été empêchée d’entrer sur le territoire turc, retenue à la frontière à Istanbul et expulsée vers l’Italie, en raison du fait qu’elle a, par le passé, assuré la défense d’accusés kurdes.

Les témoignages que nous avons pu entendre sont accablants quant à l’irrespect total de l’état de droit en Turquie. Des confrères sont arrêtés pour avoir défendu leur clients ; des magistrats sont arrêtés ou destitués pour avoir tenté de dire le droit ; des journalistes sont arrêtés ou licenciés pour avoir été présents sur le lieu d’évènements considérés comme contraires au régime ; des parlementaires sont insultés et brutalisés dans l’hémicycle…

Le Président Erdogan a maintenant pris la décision de changer la constitution turque pour installer un régime présidentiel à la place du régime parlementaire. Pour cela il fait voter les modifications par un parlement totalement réduit à néant puisque l’ensemble des députés susceptibles de s’opposer à son projet ont été, soit incarcérés, soit destitués. Il faut faire une mention spéciale pour les MP du HPD qui poursuivent la mise en place d’un processus de paix au Kurdistan. La légalité démocratique et l’État de Droit sont sur le point de disparaître en Turquie.

Cette conférence était d’une grande importance pour les juristes turcs attachés aux valeurs de la démocratie, et la présence d’organisations étrangères leur a permis de se sentir moins isolés, sans pour autant, soyons en conscients, leur accorder une véritable protection pour l’avenir.

Il nous faut donc être particulièrement vigilants pour eux.

Pour finir, je souhaite remercier les confrères turcs pour la qualité de l’organisation de cette conférence.

En tout cas, ils nous ont donné une belle leçon de courage.