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par: Gilberto Pagani

Dans tous les textes constitutionnels et dans la Charte des droits Fondamentaux de l’Union Européenne, le droit à la justice et à l’aide juridictionnelle est consacré comme droit fondamental.
Sur le mur de toutes les salles d’audience est écrite la phrase qui devrait représenter ce principe: la loi est égale pour tous.

Ces mots ont un sens double : d’une part, les lois s’appliquent sans aucune distinction à tous les citoyens, de l’autre, tous les citoyens sont égaux devant la loi.
Mais demandons-nous: au-delà des pétitions de principe, tous les citoyens sont-ils vraiment égaux devant le procès?

Déjà dans les années ’50, le grand avocat et juriste italien Piero Calamandrei observait que

quand le pauvre s’aperçoit que, pour invoquer l’égalité de la loi à sa défense, l’aide de cette richesse qu’il n’a pas lui est indispensable, alors cette phrase, la loi est égale pour tous, semble une mauvais plaisanterie à sa misère.
Notre tradition constitutionnelle et procédurale voit le rapport entre le citoyen et la justice comme réduit aux deux figures de la justice imposante et majestueuse, et du citoyen soumis à la puissance de la loi et à la force punitive de l’Etat.

Mais c’est une vision rhétorique et contraire à la réalité, parce que le citoyen ne se défend pas tout seul (parce que d’autres règles constitutionnelles imposent l’assistance d’un avocat) et il ne pourrait pas se défendre tout seul parce que, évidemment, il ne possède pas les instruments techniques nécessaires pour affronter un procès, pas plus que le détachement indispensable par rapport aux émotions qui constellent un procès.

Alors nous pouvons dire tranquillement que la différence de traitement des citoyens devant la loi dérive de la possibilité plus ou moins grande d’avoir à son côté un bon avocat. À l’égalité de la loi, à l’égalité d’indépendance du juge, à l’égalité des systèmes, la différence est faite par l’avocat.

Le système de l’aide légale devrait être le mécanisme qui permet aux pauvres d’avoir une tutelle procédurale efficace avec un avocat de confiance.
Nous verrons au cours de nos travaux si et comment ce système fonctionne et s’il est vraiment apte à s’acquitter de son devoir.

Il est de toute façon évident que, au moment où viennent à manquer les ressources pour garantir un certain niveau de welfare, diminuent aussi les fonds pour le parrainage des pauvres.
Une des conséquences de la fin du rêve du bien-être pour tous est que sont venus à manquer les instruments de médiation sociale qui prévenaient la montée des conflits. Cela signifie que le conflit ne trouve pas de débouchés institutionnels; un nombre énorme de travailleurs dont les droits ne sont pas défendus n’ont plus aucune possibilité de se

prémunir par la voie judiciaire.
Des millions de chômeurs, de travailleurs précaires, de travailleurs étrangers et leurs familles se trouvent dans une zone de non-droit dès lors qu’ils n’ont pas, objectivement, la possibilité de faire appel à un juge, la législation néolibérale ne les défendant d’aucune manière.
Au contraire, la désagrégation sociale et le manque de structures sociales laissent ces gens isolés ou à l’intérieur de groupes sociaux restreints et marginaux et cela provoque l’augmentation de la criminalité prédatrice, des comportements déviants et, par voie de conséquence, de la prison comme instrument de contrôle social.
Nous ne pouvons penser que le renversement de cet état de choses dépende du bon fonctionnement de l’aide légale.
Mais nous devons nous engager, dans l’attente d’un avenir meilleur, pour que cette institution ne se réduise pas à un simulacre, à une simple fictio juris.
Un des sujets de ce séminaire est l’alternative pro bono ou aide légale, les droits contre la charité.
Nous tous travaillons souvent pro bono, et souvent aussi malgré nous.
Mais le pro bono des grands cabinets d’avocats n’est pas la même chose que l’activité de volontariat et de solidarité sociale qui a vu ces dernières années l’apparition d’associations d’avocats qui assistent gratuitement les gens sans logement, sans papier, les migrants, les minorités de tous types et leur fournissent gratuitement une assistance juridique de qualité.
Je rappelle l’expérience des legal teams qui, depuis Gênes 2001, engagent dans les rues et dans les salles d’audience des centaines ou peut-être des milliers d’avocats qui procurent une assistance aux gens frappés par la répression parce qu’ils manifestent pour la protection des droits fondamentaux.
Le pro bono des grands cabinets d’avocats est avant tout un “asset”, une vitrine qui permet à un cabinet qui d’habitude met ses capacités au service de spéculateurs ou de “white collar criminals” de prendre le masque de la philanthropie.
D’autre part, il faut se garder de tendances qui voudraient voir l’avocat des pas riches, l’avocat commis d’office, comme une espèce de fonctionnaire public qui rend possible par sa présence le déroulement constitutionnel d’un procès mais n’est pas une entrave à l’efficacité du système.
Du reste, il existe des idées et projets qui prévoient un fonctionnaire public comme défenseur d’office et ceci toujours avec le but de rationaliser la justice et en diminuer les coûts.
Nous devons affirmer que le droit à un procès juste est le droit avant tout à une assistance juridique de qualité; cela comporte des coûts, comme le fonctionnement des hôpitaux publics ou les logements sociaux.
Mais ce qui ne peut être mis en cause, c’est la liberté des avocats.
A cette fin, le système de l’aide légale est le seul qui se rapproche d’un accès réel à la justice.
Pour conclure je voudrais rapporter une donnée qui concerne l’Italie.
Le nombre de jeunes avocats est en diminution constante, c’est absolument un nouveau phénomène. Les avocats inscrits au barreau diminuent aussi.
Notre profession n’apparaît plus comme un métier qui permette une entrée dans le monde du travail, difficile et dure mais possible.
Les coupes dans les ressources destinées à l’aide légale, comme l’augmentation des frais de justice, frappe en particulier les jeunes avocats, qui sont les plus pénalisés par cet état de

choses.
Ces dernières années, avec les collègues de l’aed, je me suis toujours étonné des énormes différences existant entre les systèmes juridiques européens.
Nous connaissons toutes les difficultés énormes que rencontre le processus d’intégration européenne.
Les choix néolibéraux ont conduit à l’intégration monétaire totale, à la rationalisation du marché et à l’unification de l’antiterrorisme et des politiques répressives avec le mandat d’arrêt européen.
Au-delà de l’abolition partielle des frontières (Schengen), il n’apparaît pas que se soient faits de grands pas pour l’unification des droits au niveau le plus haut possible et ensuite pour une unité européenne réelle.
En particulier, il n’apparaît pas qu’il ait y eu des efforts pour rendre plus semblables les procédures, pas plus que pour rendre plus homogène le rôle des avocats.
Les seuls progrès dans ce sens sont arrivés par la jurisprudence des Cours Européennes, qui ont opéré de manière efficace et pénétrante pour obvier au manque d’intégration entre des systèmes juridiques différents, dans les limites qu’impose une législation inefficace et partielle.
Mais la défense et le développement d’un droit réel à l’accès à la justice doit être soutenu principalement par les Conseils de l’ordre et par les associations d’avocats, qui ont le devoir de conjuguer le principe du droit à l’assistance légale pour les pauvres avec le principe toutautantintangibledelalibertédel’avocat.

Gilberto Pagani
Avocat à Milan
Président d’honneur de Avocats Européens Démocrates

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